Orangé par les vers
Le soleil en déclin s’étant tu un moment, il se promenait à l’air absent de degré.
Les cailloux du chemin suivirent le faux-fuyant, lui le sentier, d’herbe humide et grasse en rocher.
Voir son parchemin devant l’ayant dérouté, il voulait crayonner et offrir une page blanche,
Gravir l’esprit hésitant, le pas assuré, et en profiter pour griffonner sous les branches.
Les conifères étant privés de tronc, il fallait se baisser et glisser en tapis de feuilles.
Comme un amas de biscuits trempés, la moquette automnale avait perdu de son croustillant.
Le froissement léger prévenait du soupir à venir, l’odeur prévoyait un instant à l’oeil.
Il n’entendait franchement rien à son souvenir, mais le parfum de surprise devenait criant.
Il essayait gauchement de classer ses priorités, quand de sa droite déboula une clairière.
Des boutons de roche poussaient plus beaux que des fleurs au sein d’une mousse si verte et si épaisse,
Qu’il lui semblait fuir ses faux-semblants à chacun de ses pas. Le ciel explosa entre les cimes.
Il s’avança jusqu’aux pieds des épicéas, là où la lumière s’attachait au plat d’une pierre.
L’invitation à s’y asseoir était odieuse, la mise en scène souffrant de l’absence d’une déesse.
C’est dans le creux de flaque sur le minéral, qu’il vit les pieds nus de celle qui connaît son intime.
" Penses-tu que je te suis, à venir toujours là où tu es ?
- Point, quand l’étourdissement m’étiole à te voir là où je nais.
- Dans ma cage mordorée, tous les tourments s'ennuient.
- Des rêves ajournés par la lueur assommante ?
- Je veux que tu sois ce que tu veux que je sache.
- Je suis en partie ton vœu, partie que tu caches.
- Quand sonnent les songes échappés de geôles apaisantes.
- Qui rêve de nos jours en parure de leurre, sans nuit ?
- Point quand l’éblouissement m’étoile, ne pas voir là où je hais.
- Penses-tu que je ne suis, à venir toujours là où tu n’es ? "
Il décelait tellement, qu’il ne le pensait pas.
Elle se pensait moins belle, à délaisser ses gammes,
Il n’imaginait pas d’yeux moins beaux que son âme.
Ne voir que ses pieds nus, ne pas s’en tenir las.
" Tu m’entends par ta voie, ne sais pas ma fadeur.
- Je ne montre que pieds nus, que vois-tu de mes cieux ?
- Je n’ai besoin de voir que pour croire ta langueur.
- Tu m’étends par ta voix, je m’écoute dans tes yeux. "
" Vois sur les collines en face, entre ciel éther !
- Ces deux-là nous ressemblent, ils semblent sœur et frère.
- Ces deux autres semblables ont l’aimable air d’amants.
- De nous ils ne sont que d’autres chemins charmants. "
Sentant venir l’instant, il but à la source de ses pieds nus,
Et ne vit dans les anneaux troubles, que des brisures de lune.
Une autre nuit peut-être l’apercevra-t-il en creux de dune.
Un autre jour sûrement le croisera-t-elle au point de vue.
Il trouva en pied de pierre deux beaux cèpes offerts.
Un bolet en offrande à ronger par les vers,
Il prit l’autre en aubaine à gagner sa vallée.
Tout allait bientôt se peindre d’un vert orangé.
Ils ne sont que d'autres chemins charmants,
Arpentés par quelques vers arrangeants.
Des chemins à ranger,
Au fond de verres changeants.
Des chemins à ronger.
Fondre au vert orangeant.