De déviations en chemins de traverse.
Hier soir, nuit noire.
Je rentre chez moi.. autoroute.. l'autoradio beugle comme un veau.. il est à la limite.. le pauvre. Mais ce vieux machin a encore des ressources. Cette caisse ne me donnant pas la possibilité d'écouter des CD, je continue d'entendre mourir ces vieilles bandes magnétiques. J'écoute pratiquement toujours Sonic Youth dans cette voiture, d'abord parce que c'est mon groupe fétiche, ma base, et ensuite parce qu'avec ce son pourri, c'est encore ce qui passe le mieux. Ca rajoute quelques dissonnances.. les basses saturent et font vibrer les portières.. on jurerait presque un live pirate au son bien dégueu.
Je roule trop vite, le ruban m'entraîne trop facilement. Je décide de sortir et de finir par les petites routes. Je ne suis pas pressé, heureusement d'ailleurs. Je baisse légèrement le volume, histoire de faire cesser ces vibrations intempestives, la pollution sonore extérieure ayant complétement disparue avec la chute de vitesse. Le son en est que meilleur et déjà bien assez fort. Envie d'écouter un autre album, une envie subite et précise, une envie irrésistible.. allez savoir pourquoi. Je veux écouter Evol (oui ça fait love à l'envers), toujours Sonic Youth, mais celui-là je l'ai pas écouté depuis au moins une éternité. Il est particulier cet album, pour pleins de raisons. C'est celui-là que je veux écouter, et tout de suite ! Je suis sûr d'avoir la K7 dans la voiture.. c'est obligé. Je m'arrête, je fouille dans ce bordel infâme qu'est l'intérieur de ma voiture et je finis par trouver le tant espéré petit objet de plastique au milieu du coffre. J'ai de la chance qu'il y ait une étiquette, ça m'épate.
Après avoir dégagé la place, j'introduis. Elle est au début, vraiment je suis en veine. Je rallume mon stick...
Evol, c'est mélancolique.. c'est du larsen désespéré.. du romantisme expérimental. De l'émotion pure.
Je roule tranquilement, seul sur cette route, et je profite de ce moment à moi. J'adore voir défiler cette petite route, de nuit, avec cette musique et ces vapeurs bleutées. J'aime aussi cette brume qui se lève.
Et puis d'un coup, ce panneau "route barrée", il faut suivre la déviation. Tandis que la route se rétrécit encore et s'avance en méandres nouveaux, mon esprit lui se perd en raccourcis méconnus. Combien y a-t-il de dimensions dans l'amour ? Une seule je croyais, mais il me semble en apercevoir une seconde. Je pense à ses mots, je vois son visage dans le reflet de mes phares, dans l'ombre des arbres.. des images, rien que des images et des mots.. besoin d'avoir le son de ses mots et de la voir en trois dimensions. Les arbres se resserrent, rapprochent leur bois pour devenir une forêt oppressante de chaque côté de cette route à peine plus large qu'une voiture. La route inconnue, la nuit, la musique traîne une angoisse lancinante.. j'ai l'impression de rentrer dans la quatrième dimension.. mes repères s'effondrent.. mes pensées sont déviantes. Tel un David Vincent perdu au milieu de son raccourci, je l'ai vue, "l'envahisseuse".. mais ce n'était qu'un mirage.
Je rembobine un peu. Je veux écouter "Shadow of a Doubt", ce morceau vient de passer traînant son angoisse lancinante, mais je ne l'ai pas réellement écouté, perdu dans mes pensées. J'adore ce morceau. Il me rappelle un film d'Hitchcock du même titre (L'ombre d'un doute), pourtant les paroles de la chanson n'ont rien à voir avec le film. Par contre il y a un autre lien hitchcockien, les paroles racontent à peu de choses près l'histoire d'un autre film d'Hitchcock : "Stranger on a train" (L'inconnu du Nord-Express). Une rencontre dans un train.. un échange de meurtres. Dans le film ce sont deux hommes et dans la chanson, un homme et une femme, l'histoire est plus romantique comme ça.. désespérément romantique même. Je reverrais bien ces deux films, tiens.
Je finis par arriver devant chez moi. Je reste un moment là, le temps d'écouter la fin d'un morceau et de revenir à la réalité. Je fixe le mur de chez moi comme pour me persuader que c'est bien là que je vis. Dehors le froid et la légère bruine finissent de me sortir de la torpeur dans laquelle j'avais sombré.
La main sur la poignée de la porte, je me surprends à être presque hésitant, comme si une autre vie m'attendait.. mais non, ma vie est là.. même si...
Je me dis qu'il va faire chaud dedans, que je vais retrouver mon nid trop douillé et je souris. Je rentre heureux et je me dis qu'il faut absolument que j'aille farfouiller dans la hitchcockotèque de ma mère un de ces jours.
Shadow Of A Doubt
Met a stranger on a train
He bumped right into me
I swear I didn't mean it
I swear it wasn't meant to be
Must 've been a dream
From a thousand years ago
I swear I didn't mean it
I swear it wasn't meant to be
From the bottom of my heart
He was looking all over me
Together ever after
He said
"You take me and I'll be you"
"You kill him and I'll kill her"
Kiss me
I swear it wasn't meant to be
I swear I didn't mean it
Kiss me
Kiss me in the shadow of
Kiss me in the shadow of a doubt
Kiss me
Kiss me in the shadow
Kiss me in the shadow of a doubt
It's just a dream
It's just a dream i had
Nononoooooh
Swear it's just a dream
Just a dream
Dream I've had
No
No
No
No
Take me to it
Take me to her
Maybe
Maybe it's just a dream
It's a dream
It's just a
Just a
No
Met a stranger on a train
Bumped right into me
Swear I didn't mean it
Swear it wasn't meant to be
Must 've been a dream
From a thousand years ago
Kiss me
Kiss me in the shadow of a doubt
Kiss me
...
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