Nuit d'automne
Elles sont deux belles comme des soleils, de celles comme un désastre et un miracle, la fâcheuse et la propice, des astres à l’étincelle fatale ou accidentelle. Un alliage de plomb et d’étain scelle l’effronté au délicat en une soudure anodine, une alliance fugace comme un instant indolore.
L’une est un soleil d’aplomb qui grille tous les regards, éblouissant les reliefs, cramant les contrastes et ternissant chaque couleur. La belle mijaurée aux accents d’enthousiasme feint et aux gestes larges emprunts d’ambition théâtrale, jette ses sourires rutilants et ses rires clinquants. Elle s’écoute minauder ses amours cutanées, d’exclamations pathétiques en diapasons extatiques. Elle capte l’intention par ses mots entiers et attise d’arrogance. Son parfum égare ou attire les abeilles et les moustiques.
L’autre a le rayonnement déteint d’une brume légère, mettant en valeur chaque ombre et contrastant de chatoiements. Sa jolie retenue a des reflets peints d’insolence et ses mouvements timides trahissent le rôle joué, mais elle oublie parfois un sourire radieux ou un rire limpide. Elle se réserve le droit de taire son amour éventré, de lucidité diaphane en effacement blafard. Elle aimante l’attraction à demi-mot et enjôle d’indolence. Il n’y a qu’un papillon ou une libellule pour savourer sa subtilité.
Elles sont deux belles comme des soleils, de celle dont on envie le désir, de celle dont on connaît le doute, la lumineuse et la sibylline, des étoiles, filante ou sereine. Une harmonie dissonante lie pour un moment futile les toiles au cadre, un accord instable comme une seconde lunatique.
Elles sont deux belles comme des soleils, mais une seule est aussi jolie que la nuit.